Catastrophes
naturelles de Jérôme Van der Meersch, 116 pages dont 40
dessins pleine page de Jean-Paul Desnos, un livre au format album 21 x 21cm,
éditions Germes de barbarie, collection "Les coulisses". Prix 9,90€. ISBN : 978-2-9567223-4-2
Normalien
et agrégé de philosophie, Jérôme Van der Meersch (1957-2011) fut romancier (L'irrésistible
ascension de Jean Foutre ou Dernières nouvelles de l'enfer)
et essayiste (Les métamorphoses de Pascal Pia et Le
Dictionnaire de la fin des temps).
L'histoire
de "Catastrophes naturelles" est singulière. En 2011, quelques
semaines avant sa mort, Jérôme Van der Meersch – dont j'avais édité un recueil
de poésie en 2005 – m'a envoyé par la poste un manuscrit (une épaisse chemise
remplie de notes éparses) en me demandant d'y mettre de l'ordre et d'en faire
un livre : « Mon cher Bernard, je ne me sens pas la force d'entreprendre le
chantier de ce livre. La simple perspective de devoir mettre de l'ordre dans
toutes ces notes me fatigue. Il n'y a que vous qui puissiez en faire quelque
chose. Avec mon premier jet et en tenant compte de ce que nous avons évoqué
ensemble, je ne doute pas que vous réussissiez ce travail d'assemblage dans le
total respect de ce que j'ai écrit. Je vous demande cela comme un service et
vous serai éternellement reconnaissant si vous acceptiez de vous en charger. »
Il m'aura fallu presque huit années pour arriver au bout de ce jeu de
construction. J'avais sous-estimé la complexité de la tâche à accomplir. Je m'y
suis repris à plusieurs fois, m'arrêtant au bout de quelques pages puis, un an
ou deux plus tard, reprenant tout depuis le début. Cette version n'est
peut-être pas la plus aboutie mais certainement la plus proche du projet tel
que Jérôme l'avait conçu à l'origine. Voici le liminaire rédigé par Jérôme Van
der Meersch : " La plupart des notes dont ce livre est issu ont été
rédigées à bord du TGV-Atlantique, entre Paris et Bordeaux le 26 février 2009,
dans un carnet à spirale. Après deux ou trois déménagements, j'en avais
complètement oublié l'existence. Je l'ai retrouvé par hasard au fond d'un
carton il y a quelques jours. J'ai demandé à Jean-Paul Desnos – qui a le stylo
bille plus agile que moi – d'illustrer ces quelques pages. Pour ce voyage très
instructif, l'auteur remercie la SNCF, Alstom, Matra ainsi que son voisin de
gauche qui n'a pas cessé de regarder par-dessus son épaule (et qui fut donc le
premier lecteur de ce carnet)." Beaucoup de ces bouts de textes sont à
caractère érotique (voire pornographique) mais il serait injuste de classer ce
livre dans cette catégorie d'ouvrages :
[
Part à douze ] "Des corps s'enchevêtrent en de
savants nœuds marins que la lumière rouge des lampes voilées a du mal à
défaire. Quelques pétales de fleurs tombés d'un vase s'accrochent aux fesses
des filles pénétrées de toutes parts à même les tapis. Un lévrier afghan égaré
dans ce chenil sans chienne va d'un nœud à l'autre en humant les effluves de
ces amours hâtives. Les brodequins des débardeurs gisent, dépareillés, près de
l'entrée... "
Il y
a de l'humanité dans les pires propos tenus par l'auteur ou par son double (une
certaine Angelica Davis) qui nous empêche de refermer cet opuscule. Jérôme Van
der Meersch est avant tout un provocateur, il le sait et c'est même sa marque
de fabrique :
"Regarde
les choses en face au lieu de brouiller les pistes. Le goût du péché, celui
d'un verre de Picon bu à la terrasse d'un café, et cette main qui glisse
hardiment sous ma jupe, ces doigts qui soulèvent prestement l'élastique de ma
culotte, ces doigts que tu retires trempés, ces doigts que tu suçotes l'un
après l'autre en regardant fixement le vieux beau assis à la table d'à côté et
qui a tout vu, en témoigne son teint cramoisi !"
Bernard Deson
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